“Je suis partie du Japon le 25 octobre 1984 sans savoir que cette date marquerait le début d’un compte à rebours de quatre-vingt-douze jours qui allait aboutir à une rupture, banale, mais que j’avais vécue alors comme le moment le plus douloureux de ma vie.
J’ai tenu ce voyage pour responsable. De retour en France, le 28 janvier 1985, j’ai choisi, par conjuration, de raconter ma souffrance plutôt que mon périple.
En contrepartie, j’ai demandé à mes interlocuteurs, amis ou rencontres de fortune : « Quand avez-vous le plus souffert ? »
Cet échange cesserait quand j’aurais épuisé ma propre histoire à force de la raconter, ou bien relativisé ma peine face à celle des autres.
Faire de l’ennui et de l’ordinaire un rituel, faire de ce rituel un espace de création, faire de la création une oeuvre, faire de cette oeuvre une performance artistique, telle est la contrainte d’un art contemporain confronté à la nécessité d’exacerber la singularité, celle surtout de l’artiste”
Sophie Calle
Parigi, Francia, 1953